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Miel Montréal, protéger les abeilles un jardin à la fois - Esplanade Québec
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Portraits d’impact: Miel Montréal, protéger les abeilles un jardin à la fois

Miel Montréal ‘casse’ les mythes sur la protection des abeilles en ville et s’attaque au coeur du problème. Récit d’une coopérative qui ose se remettre en question pour générer toujours plus d’impact.

En 2010, on commençait seulement à entendre parler du déclin massif des pollinisateurs dans le monde, à cause notamment de l’utilisation abusive de pesticides et de la monoculture en milieu rural. En réponse à cela, beaucoup pensent que l’environnement urbain serait peut-être meilleur pour les abeilles : une interdiction d’utiliser des pesticides est en vigueur dans la plupart des villes, où l’on trouve en outre une belle diversité de fleurs sur les balcons des habitants.

Miel Montréal voit ainsi le jour en 2011, alors que l’apiculture commence à être en vogue en ville, sous la forme d’un collectif d’une vingtaine de bénévoles passionnés par l’agriculture urbaine qui se retrouvent pour échanger sur les pratiques apicoles. Assez rapidement, de grandes institutions – la TOHU, le Palais des Congrès, l’Université de Montréal, etc. – demandent alors à l’organisme de gérer les ruches qu’elles aimeraient installer sur leur terrain. « C’est là où on s’est dit qu’il y avait un modèle d’affaires, raconte Laura Charpentier, directrice de Miel Montréal. Pour pouvoir répondre à la demande de ces clients potentiels, on s’est donc structurés avec une entité légale, sous la forme d’une coopérative. »

Une mission triple

Si Laura a un bagage de gestion et d’entrepreneuriat, la majorité des membres fondateurs de la coopérative ont des formations en biologie, en écologie ou encore en gestion du territoire. Il y a encore très peu d’études sur le sujet, mais l’équipe à dominante scientifique se rend compte assez rapidement qu’amener les abeilles domestiques dans les villes, où les ressources pour les insectes sont finalement limitées, ne résoudrait aucune des problématiques qui causent le déclin des pollinisateurs. Au contraire: multiplier les abeilles sans multiplier les jardins et les fleurs peut créer des déserts alimentaires pour elles et de la compétition autour de ces ressources rares. 

« Dire “mettez une ruche dans votre jardin pour sauver les abeilles et la planète”, c’est du green washing, explique Laura. La raison d’être de notre coopérative était d’avoir un impact positif sur les abeilles et les pollinisateurs indigènes ; alors dès qu’on a eu le moindre doute sur notre impact, on a tout remis en question. En écologie et en science, on suit le principe de précaution : quand on ne sait pas, on ne fait pas et on attend d’avoir suffisamment d’informations pour valider nos actions. En 2014, on a donc pris la décision de limiter l’implantation de nouvelles ruches et d’axer plutôt nos activités sur l’éducation autour des abeilles. ». Et, afin de proposer une réelle solution aux enjeux entourant le déclin des pollinisateurs, Miel Montréal met sur pied en 2019 un service pour développer les habitats adaptés aux pollinisateurs et ainsi leur amener des ressources en milieu urbain. Aujourd’hui, la triple mission de l’organisme est donc d’éduquer sur l’importance des pollinisateurs, de créer des habitats favorables à la biodiversité et de faire la promotion des pratiques apicoles responsables en milieu urbain. « La philosophie de Miel Montréal, ce n’est pas de dire que l’apiculture urbaine est là pour sauver les abeilles, mais de l’utiliser comme tremplin, comme vitrine pour éduquer et sensibiliser à l’importance du rôle des pollinisateurs dans l’alimentation et la biodiversité », souligne la directrice.

crédit photo: Miel Montréal
crédit photo: Miel Montréal

L’Esplanade, accélérateur de la coopérative

Miel Montréal est à l’époque installée dans l’espace collaboratif géré par L’Esplanade, et c’est donc tout naturellement que la coopérative décide de s’inscrire au programme Collision  de l’Esplanade, « la recette parfaite pour se mettre en action ». Selon Laura,  «les parcours d’accompagnement de L’Esplanade ont validé que notre solution était bien en lien avec notre problématique. Ça a fait des liens logiques entre notre mission et notre modèle d’affaires, le tout soutenu par des coachs professionnels. Enfin, ça nous a obligés à nous asseoir et à nous poser des questions qu’on n’aurait pas eu le temps de se poser dans l’opérationnel... ».

Durant le programme, un des devoirs consistait à contacter des organismes dans son écosystème afin de valider l’intérêt pour la solution amenée par la coopérative ; après avoir parlé à une dizaine de personnes, Laura a ainsi récolté plus de 40 000$ de contrats pour 2020. « Ces gens-là, je les aurais sûrement contactés seule, mais si je n’avais pas eu les échéances du programme Collision, je l’aurais fait en six mois plutôt que trois semaines. Ça a pas mal accéléré le projet. » résume la jeune femme. 

Conseiller, éduquer, former

En 2020, Miel Montréal a créé sept jardins en collaboration avec l’arrondissement de Rosemont-La Petite Patrie et le Conseil régional de l’environnement, en plus de mener des ateliers sur le thème des jardins favorables à la biodiversité auprès de ses clients. En outre, la coopérative donne une partie de ses récoltes de miel aux organismes qui soutiennent la création des jardins pour souligner le lien entre la production de miel – et donc la santé des abeilles – et les jardins. « Sans jardin, il n’y aurait pas de miel à Montréal! », résume la directrice. Aujourd’hui, Miel Montréal agrandit son projet en entretenant les partenariats déjà établis et en faisant de nouveaux, mais elle continue surtout à développer son expertise dans la création de jardins adaptés aux pollinisateurs et à la biodiversité.

La pandémie a forcé la coopérative à adapter encore plus son offre de services en développant une offre à distance. Elle travaille entre autres sur un service de conseil pour accompagner les arrondissements et municipalités qui voudraient changer leurs pratiques, avec notamment des modules de formation pour comprendre ce qui est favorable à la biodiversité, ainsi que sur un service d’accompagnement des particuliers. Ce dernier sera une réponse à l’arrêt par d’autres entreprises apicoles de leurs services aux particuliers : « Malheureusement, ils ont laissé derrière eux des gens seuls qui ne savent pas vraiment gérer des ruches, alors on fait du mentorat », indique Laura. Miel Montréal offre enfin deux formations pour les particuliers, une pratique et une théorique. Elles ont été adaptées en ligne depuis la pandémie, permettant au passage de rejoindre des gens hors de Montréal.

Et dans son développement, la coopérative sait qu’elle peut toujours s’appuyer sur l’équipe de l’Esplanade et sur toute la communauté d’entrepreneurs avec lesquels elle garde contact. « Ça apporte une communauté de soutien, qui donne de la force pour faire face à l’adversité, confie Laura. Ça fait du bien de ne pas avoir à débattre sur les causes qu’on sert. Ce sont des gens aussi fous que nous – ou aussi lucides, c’est selon, et on se rend compte au quotidien qu’on n’est pas seuls à vouloir changer le monde… et qu’ensemble on pourrait bien y arriver! »